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Chapter 110


« Et pourquoi marquerait-elle l’heure ? » murmura le Chapelier. « Votre montre marque-t-elle dans quelle année vous êtes ? »
« Non, assurément ! » répliqua Alice sans hésiter. « Mais c’est parce qu’elle reste à la même année pendant si longtemps. »
« Tout comme la mienne, » dit le Chapelier.
Alice se trouva fort embarrassée. L’observation du Chapelier lui paraissait n’avoir aucun sens ; et cependant la phrase était parfaitement correcte. « Je ne vous comprends pas bien, » dit-elle, aussi poliment que possible.
« Le Loir est rendormi, » dit le Chapelier ; et il lui versa un peu de thé chaud sur le nez.
Le Loir secoua la tête avec impatience, et dit, sans ouvrir les yeux : « Sans doute, sans doute, c’est justement ce que j’allais dire. »
« Avez-vous deviné l’énigme ? » dit le Chapelier, se tournant de nouveau vers Alice.
« Non, j’y renonce, » répondit Alice ; « quelle est la réponse ? »
« Je n’en ai pas la moindre idée, » dit le Chapelier.
« Ni moi non plus, » dit le Lièvre.
Alice soupira d’ennui. « Il me semble que vous pourriez mieux employer le temps, » dit-elle, « et ne pas le gaspiller à proposer des énigmes qui n’ont point de réponses. »
« Si vous connaissiez le Temps aussi bien que moi, » dit le Chapelier, « vous ne parleriez pas de le gaspiller. On ne gaspille pas quelqu’un. »
« Je ne vous comprends pas, » dit Alice.
« Je le crois bien, » répondit le Chapelier, en secouant la tête avec mépris ; « je parie que vous n’avez jamais parlé au Temps. »
« Cela se peut bien, » répliqua prudemment Alice, « mais je l’ai souvent mal employé. »
« Ah ! voilà donc pourquoi ! Il n’aime pas cela, » dit le Chapelier. « Mais si seulement vous saviez le ménager, il ferait de la pendule tout ce que vous voudriez. Par exemple, supposons qu’il soit neuf heures du matin, l’heure de vos leçons, vous n’auriez qu’à dire tout bas un petit mot au Temps, et l’aiguille partirait en un clin d’œil pour marquer une heure et demie, l’heure du dîner. »
(« Je le voudrais bien, » dit tout bas le Lièvre.)
« Cela serait très-agréable, certainement, » dit Alice d’un air pensif ; « mais alors — je n’aurais pas encore faim, comprenez donc. »
« Peut-être pas d’abord, » dit le Chapelier ; « mais vous pourriez retenir l’aiguille à une heure et demie aussi longtemps que vous voudriez. »
« Est-ce comme cela que vous faites, vous ? » demanda Alice.
Le Chapelier secoua tristement la tête.
« Hélas ! non, » répondit-il, « nous nous sommes querellés au mois de mars dernier, un peu avant qu’il devînt fou. » (Il montrait le Lièvre du bout de sa cuiller.) « C’était à un grand concert donné par la Reine de Cœur, et j’eus à chanter :

« Ah ! vous dirai-je, ma sœur,
Ce qui calme ma douleur ! »

« Vous connaissez peut-être cette chanson ? »
« J’ai entendu chanter quelque chose comme ça, » dit Alice.
« Vous savez la suite, » dit le Chapelier ; et il continua :

« C’est que j’avais des dragées,
Et que je les ai mangées. »

Ici le Loir se secoua et se mit à chanter, tout en dormant : « Et que je les ai mangées, mangées, mangées, mangées, mangées, » si longtemps, qu’il fallût le pincer pour le faire taire.
« Eh bien, j’avais à peine fini le premier couplet, » dit le Chapelier, « que la Reine hurla : « Ah ! c’est comme ça que vous tuez le temps ! Qu’on lui coupe la tête ! » »
« Quelle cruauté ! » s’écria Alice.